Le Cassis de Bourgogne par Michel Rederon
Le cassis, c’est avant tout un voyage au pays de l’enfance, l’âpreté des petits fruits noirs qui s’offraient à nos mains gourmandes, le parfum mystérieux de la feuille froissée qui laissait sur nos doigts des senteurs animales, la gelée transparente étalée sur la tranche de pain du goûter et la goutte rubis du sirop qui venait rougir l’eau de nos verres. Pour les plus âgés, il évoque aussi un célèbre maire de Dijon, le chanoine Kir, un prélat pittoresque et rabelaisien qui avait une étrange recette pour son vin de messe et qui a laissé son nom à un apéritif qui fleurit sur tous les zincs de Bourgogne…et d’ailleurs.
Le cassissier, un noir cousin du groseillier (ribes nigrum) fut d’abord utilisé en médecine. Au 12ème siècle, ses feuilles étaient infusées pour soigner la goutte et pour guérir les chiens mordus par des vipères.
Les Anglais, un peu plus tard les utilisèrent contre les mots de gorge. De nos jours, le cassis est surtout connu en pharmacologie pour sa haute teneur en vitamine C et ses vertus anti-inflammatoires.
C’est à la fin du règne de Louis XIV, que le cassis devint boisson. Promotion confirmée peu après par le traité de l’abbé Bailly de Montatran, édité à Arras en 1750 qui fait état des premières recettes. Notons au passage l’intérêt sou
tenu des hommes d’église pour cette boisson, dont le caractère divin ne saurait faire de doute. Les vignerons bourguignons, d’abord prudents, se contentèrent de planter quelques pieds le long de leurs vignes mais la crise du phylloxera allait modifier leur attitude. Le malheur de la vigne fit le bonheur du cassis.
Les cassissiers ont rapidement colonisé les petits potagers familiaux et leurs fruits font toujours partie de l’imaginaire des enfants. Le monde et les modes changent, mais le cassis a survécu à tous ces bouleversements et rougit toujours l’eau des petits. Le cassis est partout dans nos verres, dans nos assiettes, dans nos médicaments et dans nos parfums.
Au début des années 70 on découvre que le bourgeon de cassissier est pourvu de glandes d’essences odorantes
dont la complexité est étonnante. Alors les parfumeurs se mirent au travail et élaborèrent un concentré très puissant « l’absolu bourgeons de cassis », un
extrait qui entre maintenant dans la composition des plus célèbres parfums et pour répondre à la demande grandissante des plantations entières sont uniquement destinées à la production de bourgeons. Notons au passage que les bonnes épiceries fines, Régal des Sens par exemple, proposent du poivre de bourgeons de cassis. Une saveur rare à découvrir !
La gastronomie reste la terre de prédilection du cassis. De l’apéritif au dessert, il s’invite à toutes les tables. Le cassis a toutes les vertus. Seul il satisfait les palais les plus délicats, mais c’est avant tout un altruiste qui aime travailler en équipe. Un allié précieux qui sait mettre en valeur ses associés. Son sirop anoblit toutes les boissons, son vinaigre relève la salade, sa moutarde sublime les viandes froides, ses confitures adoucissent le fromage de chèvre. Pour faire valoir les desserts, il devient mousse légère,
coulis onctueux, confit puissant, sorbet rafraîchissant.
Bon samaritain, il sait même pardonner les excès et ses feuilles en infusion légère aideront à la digestion. Alors, consommons le cassis sans modération et explorons avec Régal des Sens la multitude de ses utilisations.
Michel Rederon